Dimanche matin.
File d'attente pour entrer au Rijksmuseum.
Peu de monde encore.
Devant nous un jeune homme habillé de manière voyante.
Donc je le vois.
Il semble très agité, très enthousiaste.
On entre dans le musée, il sort de mon esprit.
Au rez de chaussée, quelques salles exposent des objets divers du XVIIème.
Je les parcours assez rapidement, plus interessé par la muséographie et les réactions des visiteurs.
Dans la troisième salle cependant une maison de poupée attire mon attention.
Trois étages.
Trois pièces par étages.
Toutes superbement meublées dans les moindres détails.
Je l'observe assez longuement, amusé et étonné par cette reproduction.
J'entends alors un petit cri à mes côtés.
Je regarde.
Il est là.
Le garçon agité.
Il vient juste d'arriver devant la maison de poupée.
Ses yeux brillent.
Il a la main sur la bouche.
A peine son petit cri émis, il s'éloigne.
Il est resté à peine deux secondes devant la vitrine.
Sa réaction du coup m'étonne et je le suis des yeux alors qu'il entre dans la pièce suivante.
Il se dirige alors vers un musculeux Triton en bronze qui trône au milieu de la pièce.
Il lui pose la main sur la cuisse et commence à le caresser tendrement.
Je regarde alentour.
Personne ne semble le remarquer.
Je continue donc ma visite et entre à mon tour dans la pièce suivante.
J'entends encore le cri.
Cette fois-ci il est penché au dessus d'un grand plat en argent, une main sur le coeur, l'autre tenant le plan du musée devant sa bouche.
Il n'a rien à envier à Michel Serault dans la cage aux folles.
Là encore, il reste deux secondes avant de quitter la pièce.
Je m'interroge.
Est-ce là une manifestation outrancière du syndrôme de Stendhal ?
Quand je me penche à mon tour par la suite sur ledit plat en argent qui me laisse totalement indifférent, je me demande comment le garçon va réagir devant les Vermeer et Rembrandt qui nous attendent à l'étage.
Peut-être serait-il sage de lui conseiller de ne pas gravir l'escalier.
Au moment où je m'approche à mon tour du Triton, je le vois sortir de la salle suivante et revenir sur ses pas.
Il marche précipitemment, me frôle sans me voir, et continue sa course à rebours vers l'entrée.
Il est décomposé.
Il n'en peut plus.
Il est en larmes.
Il me bouleverse.
J'aimerais tellement parfois ressentir des émotions aussi intenses devant des oeuvres d'art.
Mais non.
Je continue ma visite sereinement.
Sans cesse ébloui, mais jamais ému.
Tant pis.
Garçon sensible mal habillé, je t'envie.
6 commentaires:
D'autres choses t'émeuvent non ? Il y a peine à un an je n'aurais jamais crû qu'un morceau de violon (certes joué dans un film que tu n'as pas aimé mais bon...) ou qu'un solo de danse dans une oeuvre de Pina B. m'auraient ému...
Oui, mais la musique, le cinéma, même la danse parfois, sont des arts qui nous permettent très facilement d'être receveurs d'émotions. On est spectateur passif et l'émotion vient à nous.
Pour la littérature où la peinture, on a une démarche intellectuelle à accomplir (je pense), des efforts à fournir, voire peut être une certaine éducation, sans lesquels l'émotion ne passe pas.
Dans le premier cas, la sensibilité est très passive (et j'y excelle : même Cars m'a tiré les larmes hier soir).
Dans le second cas, la sensibilité doit être active, et là, j'avoue, je deviens d'une rare frigidité...
Je ne suis pas d'accord avec toi... dans tous lmes cas il y a un effort intellectuel à faire et une éducation à recevoir ! Peut-être moins dans le cas de films où là, effectivement, on est plus passif ! Mais pour la danse et le théâtre je ne suis pas d'accord !
Attends laisse-moi deviner pour quelle scène tu as pleuré ? La scène d'amitié entre la voiture éclair et la vieille remorque ?
Non, quand même pas !
Cette scène là est trop "évidente".
Et en fait je n'ai pas pleuré : j'ai juste eu les yeux un peu embués... mais je ne dirai pas quand !
en fait je pleure rarement quand c'est triste... c'est la beauté qui m'émeut.
Quand les deux amoureux filent sur la 66 à travers les beaux paysages ?
pareil : trop cucul...
moi ce que j'aime c'est le pardon, les retrouvailles, le renoncement et, par dessus tout, les mouvements de foules...
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