29.5.07

Transport peu commun

Le petit homme qui s'approche de moi sur le quai du métro ressemble à Noël Mamère. Je retourne vite fait à la rédaction de mon sms, mais rien n'y fait il m'adresse la parole :
- (hésitant) excusez moi, je peux vous demander quelque chose ?
- (circonspect) allez-y
- voilà, est-ce que vous avez l'heure s'il vous plait ?
- (je jette un oeil au cadran de mon portable) 17h55
- parce que voyez-vous je n'ai pas mes lunettes et n'arrive pas à... 7h55 ? déjà ?
- non, 17h55
- six heures moins cinq alors ?
- oui, six heures moins cinq.
- merci beaucoup. mais voyez-vous, ce n'était pas cela que je voulais vous demander en fait.
- (regard circonspect)
- ce que je voulais vraiment vous demander, c'est ce que vous pensiez de l'affiche qui est derrière nous.
- (je jette un oeil : c'est l'affiche de l'exposition Pascin au musée Maillol) euh....
- vous trouvez ça joli vous ?
- ben c'est à dire que...
- parce que c'est laid, il faut en convenir, non ?
- je ne sais pas quoi vous répondre, je ne connais pas ce peintre en fait.
- sans parler du peintre, ce derrière de femme, c'est laid, non ? Il y en a de jolis, mais celui-ci, il est vraiment laid. Quel interêt d'exposer toute cette laideur aux yeux de tous ?
- ben... euh... ça doit plaire à certains... chacun ses goûts...
- vous vous intéressez à la peinture ?
- pas vraiment, non.
- et à la politique, vous vous intéressez à la politique ?
- non plus, pas trop (tout pour que ça s'arrête maintenant !!!!!)
- vous avez voté ? aux deux tours ?
- Oui. J'ai voté. Aux deux tours.
- c'est bien. Moi aussi j'ai voté aux deux tours . Vous comme moi, je pense qu'on croit à la même chose. Vous êtes croyant ?
- non.
- vous n'êtes pas croyant? vous êtes plutôt athé ou plutôt agnostique ?
- euh... je ne suis pas certain de connaitre la différence entre les deux.
- c'est pas grave, ne vous embêtez pas avec cela.
La rame arrive. Je monte dedans. Il me colle. Je cherche une place assise isolée mais il n'y en a pas et il continue à me parler. On reste debout face à face.
- ça ne me regarde pas et vous ne me répondez pas si vous ne voulez pas me répondre, mais je vous pose la question. Vous avez voté pour Mitterand vous ? Non, sans doute, vous étiez trop jeune...
- non non, j'ai en effet voté pour lui.
- vous avez bien fait parce que moi je n'ai jamais voté pour lui et aujourd'hui je le regrette. Mon parallèle va sans doute vous paraître assez audacieux mais aujourdhui pour moi, Mitterrand c'est comme Jean-Paul II, c'est....
S'ensuit un long laïus mélant politique et religion, mais je n'écoute guère, trop occupé à chercher comment échapper à cela. Je tiens deux stations et au deuxième arrêt, alors qu'il me demande :
- et en 81 aussi vous aviez voté pour Mitterrand ?
- non, en 81 je n'étais pas en âge de voter. Désolé, je descends là.
- ah, vous descendez là ? c'est dommage. J'espère qu'on continuera une autre fois.
- au revoir.
Et je file.
Je m'assieds deux voitures plus loin, près d'une porte et je passe le reste du trajet à espérer qu'il ne passe pas devant moi lorsqu'il quittera la rame, qu'il ne m'agresse pas en voyant que je l'ai lâchement fui...
Je l'ai revu ce matin.
A la sortie du métro "Place des Fêtes".
Il parlait au distributeur de "Métro".
Il avait l'air intarissable.
Bien que je sois athé (ou agnostique), Mon Dieu, faites qu'il ne m'adresse plus jamais la parole.

Séance Tenante

Il faut aller voir Les Chansons d'Amour de Christophe Honoré

26.5.07

Io non soy americano

Avant d'aller au restaurant fêter dignement l'anniversaire de mon cher et tendre, on s'arrête prendre l'apero dans un de nos petits bars préférés où l'on commande puis sirote tranquillement chacun son délicieux americano maison.
Le temps passe et notre serveur est remplacé par un autre dont nous regardons et commentons la silhouette maigrichonne aux biceps pourtant hypertrofiés.
Vient l'heure de partir.
Il faut payer au bar.
Le serveur y est accoudé et me regarde venir vers lui, ses yeux droits dans les miens.
Arrivé à sa hauteur, je dis simplement:
- on a pris deux americano
Il me répond avec un fort accent anglo-saxon :
- je suis américain et toi ?
Il y a quelques secondes de flottement durant lesquelles je me demande pourquoi il me dit ça puis je comprends la méprise donc je rectifie.
- je suis français et je viens payer les deux americano qu'on a consommés.
Il rougit un peu mais fait bonne figure et s'adresse au barman qui est mort de rire :
- ah, deux americano, oui, d'accord, tu peux les encaisser toi plutôt que de rire bêtement comme ça... et toi, t'es quoi d'abord? français aussi ?.
Je paye et m'en retourne encore tout ébahi.
Non mais dis oh, il croyait quoi lui ?

21.5.07

Sauroctone



Entendu au Louvre durant l'exposition Praxitèle devant l'Apollon Sauroctone :

- ça veut dire quoi Sauroctone ?
- ça veut dire tueur de lézard.
- ah oui, comme dans sauriens ?
- exactement
- et hareng saur ça vient de là aussi ?

15.5.07

La honte absolue !

Hier je me suis retrouvé dans la galerie commerciale du Louvre avec Alex et Rafaele.
A chaque fois que j'y passe, il me revient en mémoire une anecdote qui n'est pas à ma gloire.
La voici en trois parties.
I. Evocation de Thibaud
Il y a une dizaine d'année, j'ai hébergé pendant quelques temps mon frère et ma soeur de passage à Paris pour quelques mois chacun.
Ma soeur faisait un stage durant lequel elle a fait la connaissance de Gaëlle, nantaise comme nous.
Mon frère faisait son service militaire et bénéficiait de places de spectacles à prix exceptionellement bas dont il nous faisait bénéficier.
Un soir où l'on devait ainsi aller au théâtre avec Gaëlle, je leur ai fait faux bond à la dernière minute.
Lorsqu'ils en sont revenus, ils étaient très contents de la soirée durant laquelle ils avaient fait la connaissance de Thibaud, le frère de Gaëlle qui avait récupéré ma place.
Ils en ont fait un portrait que je trouvai un peu excessivement enthousiaste pour quelqu'un qu'ils n'avaient côtoyés que durant quelques heures dont la moitié au théâtre.
Ils ont fini par lâcher le morceau.
"Je suis sûre que tu l'aurais aussi trouvé sympa. Il est... comme toi si tu vois ce que je veux dire...."
Je voyais bien et malgré la maladresse de la formulation l'intention m'a touché.
Ils avaient bien vu que ma relation avec Guillaume, qu'ils connaissaient et appréciaient par ailleurs, ne me rendait pas très heureux.
Thibaud devint donc un objet de fantasme que j'idéalisais assez souvent mais dont je ne fis pas connaissance tout de suite.
II - Présentation de Thibaud
Quelques mois plus tard, mon frère avait fini son service militaire et ma soeur s'était trouvé un logement à Paris.
Elle travaillait toujours avec Gaëlle et avait été amenée à revoir Thibaud une ou deux fois.
Il travaillait dans une boutique (aujourd'hui fermée) de la galerie du Louvre.
Un jour que je passais par là avec elle (ma relation avec Guillaume ne s'étant pas vraiment améliorée), je me lançai et lui demandai si on ne pouvait pas s'arrêter dans la boutique afin que je vois enfin à quoi il ressemble.
On y passa donc et il était là, mais occupé avec une cliente.
Il fit signe à ma soeur de patienter et j'en profitai pour mater un peu.
Charmant.
Vraiment.
Je m'émoustillai tout seul et finis par acheter un article pour ne pas faire style celui qui passe juste comme ça.
C'est lui qui nous reçut à la caisse et ma soeur nous présenta rapidement et lui proposa de se joindre à nous pour prendre un pot après la fermeture de la boutique.
Hélàs, il déclina. Il avait déjà quelque chose de prévu.
Flute et zut.
Je repartis donc bredouille.
III-Confusion de Thibaud
D'autres mois passèrent encore.
Ma soeur quitta Paris pour retourner à Nantes avant qu'une autre rencontre puisse avoir lieu. Je passais régulièrement devant la boutique et jetais à chaque fois un oeil, guettant la présence de la gracile silhouette brune sans jamais oser m'y aventurer de nouveau.
Ma relation avec Guillaume continua avec ses hauts et ses bas.
Durant une longue et frustrante période de bas, je me décidais enfin.
Je ne sais pas comment j'ai fait car ça ne me ressemble pas du tout, mais je l'ai fait.
J'entrai dans la boutique, fermement décidé à lui parler.
Une fois en place, je sentis ma fermeté se ramollir un tantinet.
Il était pourtant là, fort occupé à sa caisse.
Je le matai en douce.
Il fallait que je fasse quelque chose pour sortir du marasme sentimental que je traversais.
Il fallait que je l'aborde.
Advienne que pourra.
J'achetai donc un nouvel article et me dirigeai vers la caisse, profitant d'un moment ou il n'y avait plus grand monde dans la boutique pour éviter au maximum toute situation embarrassante.
Il prit mon article.
(lance toi)
Il scanna le code barre.
(vas-y)
Il m'annonça le prix
(dis quelque chose)
Je lui tendis ma carte bleue.
(couille molle)
Moi -euh, tu me reconnais ?
(brillante entrée en matière)
Lui (me regardant attentivement) - euh, non, je ne crois pas.
(super, ça m'encourage, trop bien)
Moi -euh, on avait été présenté il y a quelques temps par ma soeur
Lui - excuse moi, mais franchement je ne vois pas. C'est qui ta soeur ?
Je le lui dis.
Lui - je ne connais personne avec ce prénom.
(de mieux en mieux)
Moi - elle travaille avec ta soeur
Lui - euh. Je n'ai pas de soeur
(Gloups!!!)
Moi - Tu n'as pas une soeur qui s'appelle Gaëlle ?
Lui - Gaëlle ? Non
Soudain un sourire illumine son visage.
Lui - Ah, mais c'est Thibaud qui a une soeur qui s'appelle Gaëlle.
(Vous avez déjà senti à la fois votre visage devenir brulant et votre estomac se rétrécir et entamer une descente vertigineuse ? Moi oui ! Que n'ai-je alors pu rétrécir instantanément pour disparaitre entre les lattes du parquet ???)
Moi (déglutissant à grand peine) - Tu n'es pas Thibaud ?
Lui -non, mais il est dans la réserve, je peux l'appeler si tu veux ?
Moi - non, non, ce n'est pas la peine
(dépêche toi plutôt de fourrer cette boite en carton dans un sac plastique et de me le donner rapidement que cesse enfin cette lourde et pénible conversation!)
Lui - si si, je vais le chercher, ne bouge pas.
Moi - non-non-merci-ce-n'est-pas-grave
Lui - tu veux que je lui dises au moins que tu es passé ?
Moi - non-non-merci-ce-n'est-pas-la-peine-vraiment-merci-désolé-au-revoir
Et de filer sans demander mon reste. Aurait plus manqué que l'autre arrive à ce moment là.
Quel embarras !
Quelle honte !
Franchement, y'a pas idée non plus de se fourrer dans de telles situations.
Je n'ose imaginer ce qu'ils se sont dit ensuite.
Je n'ai bien sûr jamais remis les pieds dans la boutique.
Jamais.
Et par la suite, j'ai toujours fait un grand détour pour aller au Virgin.
Quelle honte quand j'y repense !
La honte absolue !!!!!