10.12.05

Square Elisa Mercoeur

Ce soir je suis arrivé à Nantes à 20H30.
Pour aller diner chez mon frère qui habite près du CHU, j'ai ignoré le tramway et décidé de marcher, en suivant les voies qui filent vers le Croisic...
Ces voies, avant de devenir souterraines pour passer sous le centre-ville, longent le square Elisa Mercoeur, très central, mais très isolé, fort peu éclairé, et ouvert toutes la nuit aux passants.
Je ne m'y suis pas aventuré et ai préféré le contourner.
C'est parait-il un lieu de drague très couru nuitemment. Les rares fois où j'ai osé m'y aventurer étant plus jeune, je n'y ai jamais vu grand monde, mais ne m'y suis jamais non plus vraiment attardé.
Bien que plutôt joliment aménagé, c'est une des rares endroits de Nantes qui m'angoisse et m'évoque de fort mauvaises pensées...
Lorsque j'étais petit, je jouais très souvent avec plusieurs de nos voisins parmi lesquels Yannick et Hervé.
Yannick a le même age que moi et Hervé celui de ma soeur. Nous avons été à la maternelle ensembles, puis ensuite nos chemins scolaires ce sont séparés, leurs parents très croyants et très pratiquants les ayant inscrits à l'école privée. Ce qui ne nous empechait pas de les retrouver les mercredis et les samedis, pour jouer dans le quartier mais aussi au basket et au catéchisme, ces deux activités ayant rythmé toute mon enfance
Je m'amusais bien avec eux, on était tout le temps les uns chez les autres et c'était de franches rigolades. J'ai perdu de vue Yannick et Hervé durant mes dernières années de collège, puis je les ai oubliés durant mes années de lycée. Pas vraiment volontairement, mais comme ça. Le temps passant, mes choix personnels m'ayant éloigné et du basket et du caté, j'ai fini par ne plus revoir personne de cette époque et par ne pas me soucier de leur devenir.
Lorsque j'étais en fac, il m'est arrivé de les croiser, une fois, de loin. Ils avaient bien changé physiquement et alors que je les avais connu tout petits, rachitiques,maigrichons et chétif, ils étaient devenus de vigoureux gaillards gras et costauds. Des monstruosités. Des gorets. Répugnants. La vision de leur transformation m'a fait froid dans le dos.
Quelques temps plus tard, un soir en rentrant de la fac j'ai trouvée ma mère catastrophée. Elle venait d'apprendre un sordide fait divers les concernant.
Ils se rendaient régulièrement dans le square Elisa Mercoeur avec deux de leurs amis et le plus mignon des 4 (qui ne devait a priori être ni Yannick ni Hervé) s'amusait à séduire un jeune homme esseulé, venu ici en quête d'aventures, de chaleur ou de tendresse... Une fois la proie charmée, il l'éloignait dans un coin sombre du square et les quatre lui tombaient dessus, le dépouillaient violemment, le déshabillaient intégralement et bien entendu finissaient par s'acharner sur lui à coup de poings et coups de bottes...
Leur manège a semble-t-il duré un certain temps avant qu'un de ces malheureux ne porte plainte et qu'ils finissent par tomber eux-même dans un guet-apens policier.
(Ils ont été ensuite condamnés et ont fait de la prison, mais pas assez longtemps à mon goût puisque je les ai recroisé une fois quelques années plus tard, après qu'ils aient déménagés du voisinage. A leur procès, quand on leur a demandé pourquoi ils avaient fait ça, ils ont répondu que c'était parce que les homos étaient responsables de la propagation du Sida. ça a été leur seul argument)
J'ai dit à maman que je ne comprenais pas comment c'était possible qu'ils en soient arrivés là avec l'éducation qu'ils avaient reçu. Leur mère tous les dimanches faisait chanter les paroissiens à l'Eglise tandis que leur père nous avait enseigné le catéchisme. Ils me paraissaient alors exemplairement bons. A cette époque je n'avais pas encore compris que la foi et la religion n'étaient pas exactement la même chose.
Ce jour-là je me suis demandé (et me demande encore) comment ces deux garçons avec qui je me suis autant amusé gamin avaient pu ainsi franchir l'intolérable limite. Et si c'était moi qui avait été leur proie un soir de leur funeste quète dans le square Elisa Mercoeur ? Auraient-ils eu pitié de leur ancien camarade de jeu ou au contraire leur fureur en aurait-elle été décuplée ?
Ce soir, pour une fois je trouve aussi que la ville avait ce teint blafard lorsque je sortis de la gare....

3 commentaires:

khoyot a dit…

Gloups!
Voilà sans doute pourquoi je refuse de me rendre aux dîners d'anciens élèves...
Ca fait un peu froid dans le dos cette histoire...

Anonyme a dit…

Je suis comme toi, je n'ai jamais été attiré par Bacco...

Anonyme a dit…

khoyot> j'ai fini par nouer d'excellente relation avec des camarades de classes, mais seulement à partir du Lycée...
tous ceux d'avant sont oubliés !

JF>Je n'ai en fait jamais vraiment eu d'aventures à Nantes ni d'une heure, ni d'un mois... j'ai attendu d'arriver "à la capitale" pour m'épanouir pleinement de ce côté là.... (tu parles ! quelle galère quand j'y repense !!!)